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les idées philosophiques et sociales dans la poésie.

J’ai rempli mon devoir, c’est bien, je souffre heureux.
Car toute la justice est en moi, grain de sable.
Quand on fait ce qu’on peut, on rend Dieu responsable ;
Et je vais devant moi, sachant que rien ne ment,
Snr de i’honnêleté du profond lirniament !
Et je crie : Espérez ! à quiconque aime et pense[1].


Et ailleurs :


Être juste, au hasard, dût-on être martyr,
Et laisser hors de soi la justice sortir.
C’est le rayonnement véritable de l’homme[2].


Ce rayonnement éclaire à son tour la nature entière, lui donne un sens, un but, la rend belle et bonne, à la fois intelligible et aimable :


                       … Comprendre, c’est aimer.
Les plaines où le ciel aide l’herhe à germer,
L’eau, les prés, sont autant de phrases où le sage
Voit serpenter des sens qu’il saisit au passage.
.................
Bien lire l’univers, c’est bien lire la vie.
Le monde est l’œuvre où rien ne ment et ne dévie,
Et dont les mots sacrés répandent de l’encens.
L’homme injuste est celui qui fait des contresens.


Pour l’homme de bien, au contraire, tout s’explique ou paraît explicable, tout reflète l’infinie vérité :


L’éternel est écrit dans ce qui dure peu :
Toute l’immensité, sombre, bleue, étoilée,
Traverse l’humble fleur, du penseur contemplée ;
On voit les champs, mais c’est de Dieu qu’on s’éblouit ;
Le lis que tu comprends en toi s’épanouit ;
Les roses que tu lis s’ajoutent à ton âme.


Les apparents désordres de la nature et ceux de l’humanité ne sont que des occasions de courage et de lutte pour l’homme du devoir, des symboles de notre destinée, telle qu’un Corneille l’a conçue :


                         … Quand la tempête gronde.
Mes amis, je me sens une foi plus profonde ;
Je sens dans l’ouragan le devoir rayonner,
Et l’affirmation du vrai s’enraciner.
Car le péril croissant n’est pour l’àme autre chose
Qu’une raison de croître en courage, et la cause
S’embellit, et le droit s’alfermit en souffrant,
Et l’on semble plus juste alors qu’on est plus grand[3].

  1. L’Année terrible.
  2. Ibid.
  3. Ibid.