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LA VERTU N’EST PAS IDENTIQUE AU BONHEUR.


    « Le seul élément respectable et durable dans l’idée de sanction, ce n’est ni la notion de peine ni celle de récompense, c’est la conception du bien idéal comme devant avoir une force suffisante de réalisation pour s’imposer à la nature, envahir le monde entier : il nous semblerait bon que l’homme juste et doux eût un jour le dernier mot dans l’univers. Mais ce règne du bien que l’humanité rêve n’a pas besoin, pour s’établir, des procédés de la royauté humaine. Le sentiment moral peut se considérer lui-même comme devant être la grande force et le grand ressort de l’univers ; cette ambition de la moralité à envahir progressivement la nature, par l’intermédiaire de l’humanité, est ce qu’il y a de plus élevé dans le domaine philosophique ; c’est aussi ce qu’il y a de plus propre à entretenir l’esprit de prosélytisme. Nul mythe n’est ici nécessaire pour exciter l’ardeur du bien et le sentiment de l’universelle fraternité. Ce qui est grand et beau se suffit à soi-même, porte en soi sa lumière et sa flamme. » (Irréligion de l’avenir, p, 358.).


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