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CHAPITRE II

Principe de la justice pénale ou défensive dans la société.



Notre société actuelle ne peut assurément réaliser le lointain idéal de l’indulgence universelle ; mais elle peut encore moins prendre pour type de conduite l’idéal opposé de la morale orthodoxe, à savoir la distribution du bonheur et du malheur suivant le mérite et le démérite. Nous l’avons vu, il n’y a pas de raison purement morale pour supposer aucune distribution de peines au vice et de primes à la vertu. À plus forte raison faut-il reconnaître qu’il n’y a pas en droit pur, de sanction sociale, et que les faits désignés sous ce nom sont de simples phénomènes de défense sociale[1].

  1. On nous fera sans doute l’antique objection : « Si les punitions n’étaient de la part de la société que des moyens de défense, ce seraient des coups, ce ne seraient pas des punitions. » (M. Janet, Cours de philosophie, p. 30.) — Au contraire, quand les punitions ne se trouvent pas justifiées par la défense, c’est précisément elles qui sont de vrais coups, sous quelque euphémisme qu’on les désigne ; en dehors des raisons de défense sociale, on ne transformera jamais en un acte moral l’acte d’administrer, par exemple, cent coups de bâton sur la plante des pieds d’un voleur pour le punir.