Page:Guyau - Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
186
CRITIQUE DE L’IDÉE DE SANCTION.

voit sur quelle frêle base s’appuie quiconque tâche d’induire la sanction morale et religieuse de la sanction naturelle[1].


II

SANCTION MORALE ET JUSTICE DISTRIBUTIVE


Déjà Bentham, Mill, MM. Maudsley, Fouillée, Lombroso se sont attaqués à l’idée de châtiment moral ; ils ont voulu enlever à la peine tout caractère expiatoire et en ont fait un simple moyen social de répression et de réparation ; pour en venir là, ils se sont généralement appuyés sur les doctrines déterministes ou matérialistes, encore discutées aujourd’hui ; aussi M. Janet, au nom du spiritualisme classique, a-t-il cru devoir maintenir malgré tout, dans son dernier ouvrage, le principe de l’expiation réparatrice des crimes librement commis. « Le châtiment, dit-il, ne doit pas être seulement une menace qui assure l’exécution de la loi, mais une réparation ou une expiation qui en corrige la violation. L’ordre troublé par une volonté rebelle est rétabli, par la souffrance qui est la conséquence de la faute commise[2]. » — « C’est surtout à la loi morale,

  1. Par exemple M. Renouvier : « Il est permis de voir dans la rémunération future un prolongement naturel de la série des phénomènes qui, dès à présent, mettent les conditions fondamentales et même les conditions physiques du bonheur dans la dépendance de la moralité. » (Science de la morale, p. 290.)
  2. M. Janet, Traité de philos., p, 707. « La première loi de l’ordre, avait dit V. Cousin, est d’être fidèle à la vertu ; si l’on y manque, la seconde loi de l’ordre est d’expier sa faute par la punition… Dans l’intelligence, à l’idée d’injustice correspond celle de peine. » Deux