la véritable sanction semble devoir être la complète
impunité de la chose accomplie. Aussi verrons-nous que toute
justice proprement pénale est injuste ; bien plus, toute
justice distributive a un caractère exclusivement social et ne
peut se justifier qu’au point de vue de la société : d’une
manière générale, ce que nous appelons justice est une
notion tout humaine et relative ; la charité seule ou la pitié
(sans la signification pessimiste que lui donne Schopenhauer) est une idée vraiment universelle, que rien ne peut
limiter ni restreindre.
I
SANCTION NATURELLE
Les moralistes classiques ont coutume de voir dans la sanction naturelle une idée de même ordre que celle de l’expiation : la nature commence, selon eux, ce que la conscience humaine et Dieu doivent continuer ; quiconque viole les lois naturelles se trouve donc déjà puni d’une manière qui annonce et prépare, à les en croire, la punition résultant des lois morales. — Rien de plus inexact à nos yeux que cette conception. La nature ne punit personne (au sens où la morale classique prend ce mot), et la nature n’a personne à punir, par la raison qu’il n’y a pas de vrai coupable contre elle : on ne viole pas une loi naturelle, ou alors ce ne serait plus une loi naturelle ; la prétendue violation d’une loi de la nature n’en est jamais qu’une vérification, une démonstration visible. La nature est un grand