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sentent les créatures qui sommeillaient dans le chaos. Antoine se penche pour les voir. Puis
manès
fait tourner son globe ; et réglant ses paroles sur une lyre d’où s’échappent des sons cristallins :

La terre céleste est à l’extrémité supérieure, la terre mortelle à l’extrémité inférieure. Elle est soutenue par deux anges, le Splenditenens et l’Omophore à six visages.

Au sommet du ciel le plus haut se tient la Divinité impassible ; en dessous, face à face, sont le Fils de Dieu et le Prince des ténèbres.

Les ténèbres s’étant avancées jusqu’à son royaume, Dieu tira de son essence une vertu qui produisit le premier homme ; et il l’environna des cinq éléments. Mais les démons des ténèbres lui en dérobèrent une partie, et cette partie est l’âme.

Il n’y a qu’une seule âme, universellement épandue, comme l’eau d’un fleuve divisé en plusieurs bras. C’est elle qui soupire dans le vent, grince dans le marbre qu’on scie, hurle par la voix de la mer ; et elle pleure des larmes de lait quand on arrache les feuilles du figuier.

Les âmes sorties de ce monde émigrent vers les astres, qui sont des êtres animés.

antoine
se met à rire.

Ah ! ah ! quelle absurde imagination !

un homme
sans barbe, et d’apparence austère :

En quoi ?