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Il mouille son doigt et frotte la coupe.

C’est de l’argent.

Il la retourne et regarde le dedans.

Une obole !… quoi ! une autre ? une troisième ? encore ?… oh ! oh ! quelle couleur !

La coupe devient verte.

Mais c’est de l’émeraude ! de l’émeraude !… voilà de l’or maintenant !

La coupe se remplit d’or.

Les pièces sont toutes neuves… comme elles reluisent !

La coupe devient transparente.

Quoi ! c’est du diamant !

Des rubis, des topazes, des turquoises, des améthystes et des perles fines ruissellent de la coupe ; Antoine, qui tremble de tous ses membres, la laisse tomber ; elle se brise, il considère les pierres précieuses répandues par terre ; puis tout à coup :

Non… non… je n’y toucherai pas…

Il donne un coup de pied dans la coupe, la vision disparaît. On entend un bruit de grelots et de pas étouffés, Antoine écoute, le grelot se rapproche.
Antoine s’avance au bout de l’esplanade et se penche sur le rocher pour mieux voir.
Ce sont des gens qui voyagent, il y a trois dromadaires et cinq cavaliers ; les hommes endormis laissent retomber leur tête au pas de leur monture qui chemine dans la nuit.
Le bruit des trois grelots se rapproche, ils vont passer sous la montagne, là, en bas ; leurs ombres s’allongent sur le pan de la roche, quelque chose a sonné sous l’ongle d’un chameau.

Qu’est-ce donc ? Cela brille.

le diable
paraît derrière saint Antoine et chuchote :

C’est un poignard… noue ta robe, appuie ta sandale… ici, tiens ! sur cette pierre qui fait saillie : il y a, tout le long du précipice, de place en place, des trous naturels pour mettre les pieds.