Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les sabéens.

D’un mot, si tu le désires, tu connaîtras l’architecture de nos temples, bâtis sur le dessin de la planète de Saturne.

les thérapeutes.

Attends ! attends ! nous allons danser la danse du Passage de la mer Rouge et chanter l’hymne du Soleil levant.

les kabalistes.
Chapeaux pointus, robes bleu sombre, fourrures ; ils désignent avec leurs baguettes blanches plusieurs points dans l’espace.

Vois-tu, comme le sang dans un grand corps, circuler l’haensoph universel dans les veines cachées de tous les mondes ?

Antoine est acculé dans sa cellule, il se débat contre les hérésies à coups de discipline, elles s’enfuient, il reste seul, il s’assoit par terre.
On entend de grands soupirs et comme des lamentations.
antoine
se relevant.

Qu’est-ce qui pleure ? Est-ce quelque étranger assassiné dans la montagne ?

Il met la main devant ses yeux.

Je ne vois rien, la nuit est si sombre !

Il sort de sa cellule, écoute et tâche à distinguer dans l’obscurité d’où part la voix ; il prend une liane par terre et l’allume à la petite lampe de la chapelle qui brille avec peine.
Il cherche à l’entour, abaissant et élevant sa torche ; les pleurs semblent se rapprocher.
antoine
s’arrête surpris.

C’est une femme…

elle sanglote

et un vieillard la soutient.

On voit s’avancer une femme pâle, dont les bandeaux noirs tombent le long de sa figure ; une tunique de pourpre en lambeaux