C’est l’enfant des Éons, l’époux d’Akaramoth repentie, le père du Démiurge qui fit le Cosmocrator et l’Antropos.
C’était lui, c’est lui encore, ce sera lui toujours ! Ses spirales sont les cercles des mondes échelonnés ; de la bave de ses dents découle le suc des plantes, aux taches de sa peau les métaux ont pris leur couleur, quand il dort c’est la nature qui rumine, de ce qu’il mange rien n’est rendu, il absorbe tout, comme l’éternité.
Le long du tronc, qu’entouraient ses vertèbres, il montait ; sa peau gluante se collait en traînant sur l’écorce polie ; il montait, et les feuilles se racornissaient à son haleine ; quand il eut passé par toutes les branches il reparut ; sous sa peau tendue les os de son crâne s’écartèrent, il ouvrit la mâchoire, et du bout de la branche le fruit tomba.
Il le retint sur ses dents, et les lèvres retournées, le cou pâmé, il montrait au soleil le fruit d’or cueilli.
Puis il s’abaissa comme un arc-en-ciel qui descend, et suspendu par la queue au tronc du grand arbre, il balançait devant le visage d’Ève sa tête sifflante aux paupières enivrées.
Elle le suivait attentive.
Il s’arrêta, fixa sur elle ses prunelles, sur lui elle fixa les siennes ; la poitrine d’Ève battait, la queue du serpent se tordait, le Zéhon qui coulait interrompit ses eaux, un lotus s’ouvrit, les dattes des palmiers mûrirent, une sueur fluide passa ; et elle tendit la main.
Il était bon le fruit superbe ; elle en pompa le jus, elle en dévora la chair, elle en croqua les pépins, elle en ramassa l’écorce pour s’en parfumer la poitrine.