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vous parcourt ; vos yeux rapprochés épanchent de l’un à l’autre comme des ondes immatérielles, et votre cœur s’emplit ; il éclate ; c’est un suave tourbillon, une ivresse débordante…

la vieille.

On n’a pas besoin de posséder les joies pour en sentir l’amertume ! Rien qu’à les voir de loin, le dégoût vous en prend. Tu dois être fatigué par la monotonie des mêmes actions, la durée des jours, la laideur du monde, la bêtise du soleil !

antoine.

Oh ! oui, tout ce qu’il éclaire me déplaît !

la jeune.

Ermite ! ermite ! tu trouveras des diamants entre les cailloux, des fontaines sous le sable, une délectation dans les hasards que tu méprises ; et même il y a des endroits de la terre si beaux qu’on a envie de la serrer contre son cœur.

la vieille.

Chaque soir, en t’endormant sur elle, tu espères que bientôt elle te recouvrira !

la jeune.

Cependant, tu crois à la résurrection de la chair, qui est le transport de la vie dans l’éternité !

La Vieille, pendant qu’elle parlait, s’est encore décharnée ; et au-dessus de son crâne, qui n’a plus de