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hilarion.

Père, Fils et Saint-Esprit ne font de même qu’une seule personne !

Les trois têtes s’écartent, et trois grands dieux paraissent
Le premier, qui est rose, mord le bout de son orteil.
Le second, qui est bleu, agite quatre bras.
Le troisième, qui est vert, porte un collier de crânes humains.
En face d’eux, immédiatement, surgissent trois déesses, l’une enveloppée d’un réseau, l’autre offrant une coupe, la dernière brandissant un arc.
Et ces dieux, ces déesses se décuplent, se multiplient. Sur leurs épaules poussent des bras, au bout de leurs bras des mains tenant des étendards, des haches, des boucliers, des épées, des parasols et des tambours. Des fontaines jaillissent de leurs têtes, des herbes descendent de leurs narines.
À cheval sur des oiseaux, bercés dans des palanquins, trônant sur des sièges d’or, debout dans des niches, ils songent, voyagent, commandent, boivent du vin, respirent des fleurs. Des danseuses tournoient, des géants poursuivent des monstres ; à l’entrée des grottes des solitaires méditent. On ne distingue pas les prunelles des étoiles, les nuages des banderoles ; des paons s’abreuvent à des ruisseaux de poudre d’or, la broderie des pavillons se mêle aux taches des léopards, des rayons colorés s’entre-croisent sur l’air bleu, avec des flèches qui volent et des encensoirs qu’on balance.
Et tout cela se développe comme une haute frise — appuyant sa base sur les rochers, et montant jusque dans le ciel.
antoine
ébloui :

Quelle quantité ! que veulent-ils ?

hilarion.

Celui qui gratte son abdomen avec sa trompe