Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Soit ! tu es un brave !

— Isambart fit la grimace, mais il n’y avait plus moyen de reculer, et puis la famille de Pedrillo, pensait-il, fera des tours de corde tandis que moi je montrerai mes animaux ; tout le monde y gagnera ; après ça, qu’il prenne Isabella s’il veut, je n’y tiens guère.

Ils attendirent que la pluie fût passée, remontèrent dans les carrioles pour se diriger vers la ville la plus voisine, où ils devaient donner des représentations. Quand Isambart disait ce mot, il ôtait son chapeau et ajoutait : à l’aimable société qui s’y trouvera.

VI

Vous avez vu cent fois Isambart. C’est un homme petit, trapu, au teint frais et rosé, au nez rouge, aux yeux gris ; c’est lui qui, dans toutes les troupes d’acrobates, vous a fait rire si vous êtes enfant, et pitié si vous êtes plus grand.

C’est lui qui, avec ses bas rouges, sa culotte courte, ses souliers à larges boucles d’argent, son chapeau à l’hidalgo, gris, ras, et orné d’une plume de coq, c’est lui, dis-je, qui reçoit toujours la craie au milieu du visage, en frappant la corde ; c’est lui qui tombe par terre, reçoit les claques ; c’est lui qui, allumant les quinquets, se laisse dégringoler du haut de l’échelle, puis il prend un air grave et, singeant le régisseur, il s’avance, le chapeau sous le bras, annoncer le programme.

Marguerite, vous la connaissez aussi. C’est elle qui reçoit les trois sous que chaque spectateur doit donner en sortant ; elle a des sabots aux pieds, des bas blancs bien tirés sur le mollet, et un mouchoir d’indienne sur la tête, en forme de béret.

Vous avez vu Pedrillo. C’est cet homme grand, mince, marqué de petite vérole, qui saute sur la