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fant souffle sur le papillon dont il arrache les ailes.

Ce ne fut pas sans peine que Marguerite monta l’escalier ; à peine avait-elle fait deux pas qu’elle tomba lourdement à terre. Un cri perçant sortit de sa poitrine ; la baguette était rompue en morceaux.

En peu d’instants la tente fut déserte, la plupart des spectateurs sortirent.

Cette dernière scène domestique avait scandalisé le plus grand nombre et désenchanté un petit garçon aux joues rondes et rosées, qui jusqu’alors avait souhaité d’être danseur de corde pour avoir des pantalons roses et des bottines de maroquin.

II

— Ne t’en avais-je pas bien prévenu ? dit Marguerite lorsqu’elle fut seule avec ses enfants et Pedrillo.

— Qu’avais-tu donc ?

— Je suis malade, je souffre encore, va. Oh ! je souffre beaucoup, Pedrillo ; si tu m’aimais comme je t’aime !

— Allons, vas-tu recommencer tes plaintes, Marguerite ? tu sais bien que ça m’ennuie. Voyons, qu’as-tu donc eu ?

— Tu le sais mieux que moi. Comment, tu ne te souviens pas de ce jour où je suis tombée comme aujourd’hui ?… J’avais la jambe cassée, le soir je ne voulus pas manger, je pleurais trop, je ne voulais pas te dire que désormais je t’étais devenue inutile, je ne voulais pas aller à l’hôpital de peur d’abandonner Ernesto et Garofa.

— Eh bien, tu as pourtant été à l’hôpital ?

— Hélas ! oui, sans cela j’allais mourir.

Et les saltimbanques se retirèrent sous une toile à matelas, derrière laquelle était posée sur des charbons la soupe du dîner qui bouillait à petit feu.