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qui se chauffait, tandis que les fenêtres ouvertes laissaient apercevoir au loin les clochers aigus de Madrid et les orangers des jardins du roi embaumant l’air de leur doux parfum.

— Eh bien, quelle nouvelle ? dit le roi en interrompant le silence qui semblait lui devenir à charge, quelle nouvelle, monseigneur ?

Il s’arrêta en lançant sur l’Inquisiteur un regard vif et pénétrant.

Don Olivarès tira de dedans sa poitrine un portefeuille en maroquin noir avec une croix d’or :

— En voilà, sire !

— Don Ruy, dit vivement le roi, ceci est votre affaire, lisez !

L’homme auquel ces mots étaient adressés avait environ la cinquantaine, il était trapu, court et gras, avait les yeux petits et pleins de feu, la barbe et les cheveux grisonnants, était enveloppé dans une casaque grise bordée d’hermine. De temps en temps il allait respirer à la fenêtre, en grommelant tout bas quelques mots d’impatience ; une fois même, il lui échappa de dire :

— Monseigneur, du feu en Espagne et au mois d’août !

— Assez ! dit le roi en colère, don Olivarès, mon maître et le vôtre, le désire ; sa personne est sacrée et, puisque telle est sa volonté, respectons-la. Quant à vous, don Ruy Gomez de Sylva, vous êtes impertinent, il y a longtemps que je vous l’ai dit ; sachez vous taire une autre fois, autrement gare à votre tête. Lisez et que ceci soit pour l’avenir.

Il prit le portefeuille en tremblant et décacheta la première lettre.

— Celle-ci, dit-il, est de monseigneur l’archevêque de Valence.

— Que Dieu lui prête vie ! dit l’Inquisiteur.

— Amen, répondit le roi.