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entiers, au bord des ruisseaux, la tête penchée sur nos genoux, et nous sèmerons des fleurs dans nos cheveux, et nos paroles seront comme des perles qui coulent sans tarir, d’un ruisseau d’amour.

la mort.

Vraiment, vous êtes idiots à faire pitié, avec vos mots vides de sens, vos têtes sans pensées et vos cœurs pleins d’un vin dont je m’abreuve.

les amants.

Non ! non ! tu nous emporteras tous deux, nos lèvres collées ensemble et nos âmes unies pour partir vers le ciel.

la mort.

J’ai des bras assez longs et assez forts pour vous broyer tous deux, et du même coup.

les amants.

Grâce ! grâce ! laisse-nous donc vivre, et puis quand nous aurons épuisé dans nos baisers l’amour de nos cœurs, quand nos soupirs du soir auront aspiré la nature entière, le charme des nuits et le parfum des fleurs, alors tu viendras.

Si tu savais ce que c’est que l’amour, toi, tu retournerais dans ta course. Oh ! laisse-nous, grâce ! laisse-nous nous aimer toujours.

la mort.

Vous êtes jeunes, beaux, heureux ; à moi, beauté, jeunesse !

les damnés.

Nous avons épuisé de la vie toutes les délices, toutes les voluptés et tous les crimes ; nous avons épuisé le vin des coupes, l’amour des cœurs ; pour nous la terre n’a plus d’herbe, de ciel pur, d’eau limpide ; notre