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Que veux-tu de moi ? je n’ai ni couronne, ni palais, ni richesses, ni vêtements ; je n’ai qu’une écuelle, un bâton et des haillons.

Laisse-moi encore me réchauffer au soleil, me promener dans les près, regarder la rosée au bout de chaque herbe, la fleur sur chaque arbre ; laisse-moi entendre l’oiseau sur la branche, le ruisseau qui murmure, le fleuve qui coule, la mer qui bat, les feuilles qui s’agitent ; l’insecte chantant dans les blés ; laisse-moi regarder, le matin, toute la vallée pleine de brouillard et qui semble ainsi, avec ses fleurs, ses bois, ses marguerites, ses émeraudes, un encensoir qui fume sur un autel garni de diamants.

Laisse-moi la nature ; le pauvre n’a qu’elle, mais il l’aime comme une mère.

De grâce ! j’aime la vie, quelque amère qu’elle soit ; le soleil est si beau, la lune si blanche ! pour moi chaque arbre à une voix et chaque coup de la brise est un soupir qui se mêle aux miens.

J’ai maudit l’éternité, laisse-moi la vie ! j’ai abandonné Dieu, laisse-moi dans le règne de Satan. J’ai toujours une croûte au coin de la borne pour apaiser ma faim et un rayon de soleil pour réchauffer mon corps.

la mort.

Pour qui pleures-tu en quittant le monde ? est-ce pour ton chien que tu laisses, pour ton Dieu sourd à tes cris et pour ton âme que tu perds ? Va rejoindre les autres qui dansent tous ; va prendre la main du pape, et te mêler à la ronde que j’ai formée pour amuser son créateur.

Les morts dansaient et la longue file de squelettes tournait et tourbillonnait en une immense spirale qui montait jusqu’aux hauteurs les plus hautes et descendait jusqu’aux abîmes les plus profonds. Là, le roi