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l’ouragan déracinant les montagnes et les roulant sur le monde, comme le souffle du désert qui bondit sur son lit de feu, sortit de la poitrine du démon, vibrant comme la nue qui éclate.

Et ce cri-là n’eut point de fin ; ce fut un océan toujours agité, toujours immense dans sa colère et ses sanglots, un océan sans fond et sans rivage, se roulant sur lui-même, tournant sur lui-même, se déchirant lui-même comme un Dieu en démence.

Et ce cri n’eut pas d’écho ; il allait toujours se briser sur les rochers arides, qui lui en rapportaient les sons et le faisaient monter au ciel en rage écumeuse.

Satan parlait.

I

À moi, le monde ! à moi, la mort et la vie, les empereurs et les peuples, les empires et les nations ! Peuples, soulevez les linceuls ; empires, soulevez vos ruines ; empereurs, soulevez vos cercueils embaumés et pourris, venez nous dire ce que c’est que la vie, ce que vaut un peuple, ce que vaut une couronne, combien il faut de vers et de siècles pour manger l’un, combien il faut de minutes pour broyer l’autre ; vous avez vécu et vous êtes morts maintenant !

Peuples, où sont vos noms effacés par le sable qu’a soulevé la tempête, tempête qu’en ont effacée tant d’autres ?

Rois, où sont vos couronnes emportées aussi par l’haleine de la mort ?

Venez aussi, hommes de la terre ; dites-moi où sont vos passions, vos vertus ? passées comme vos fleurs, vos palais, vos gloires et vos cendres !

Et vous, femmes, ou sont vos cœurs pleins d’amour, vos cœurs, pourris aussi avant la dentelle de vos vêtements ?

Et quand vous serez tous là, vous me direz ensuite ce que c’est que la mort, ce que vous pensez depuis