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aux prés, en respirant l’encens qui fumait et montait vers le dôme en vaporeux replis ; je l’ai rêvé, couchée sur les marguerites, en regardant à travers mes mains le soleil dorer les nuages, et le soir, quand les troupeaux rentraient en bêlant, que les insectes chantaient sous l’herbe, que l’horizon était rouge, qu’il y avait du feu dans les nuages et que les fils de la Vierge se mêlaient à mes cheveux.

Le ciel, je l’ai rêvé dans l’amour.

6

Et il me semble que je vais être plus pleine de délices et de parfums ; il me semble que l’harmonie va entrer dans mon âme et que j’entendrai, à la place de mon cœur qui battait, des anges qui prient et des voix qui chantent.

7

Oh ! oui ! c’est le ciel, tout cela, je le vois là-bas, bien loin, comme un soleil plus grand que l’autre ; le voyez-vous, mes sœurs ?

— Non, hélas !

— C’est que le poète voit le ciel à travers les astres et le bonheur dans l’immensité. Entendez-vous les chœurs sacrés qui résonnent ?

CHŒUR DES ÉLUS.

Hosannah ! gloire à Dieu ! que de douceurs, mes frères ! N’est-ce pas qu’il nous semble, depuis que nous avons quitté la terre, avoir vécu dans une harmonie continuelle, nous être nourris de parfums, de pensées d’amour, de choses délicieuses, de voluptueuses extases ? N’est-ce pas que nous avons sur nous comme un voile précieux, une gaze légère couverte de roses, qui nous fait dormir sous des sensations d’amour ? Et