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2

Nous nous fatiguons ; quand donc verrons-nous l’Éternel, son fils, ses saintes ? Je sens que j’ai besoin de me reposer sur un coussin de nuages avec des franges d’azur et une housse d’or.

3

Nous volons depuis longtemps, où est le ciel ? Serait-ce le paradis, courir dans un vide ?

4

Moi, j’étais poète, jeune fille, une âme folle et égarée tombée du ciel sur la terre comme une fleur sur la boue.

Quand je quittai cette prison de chair où j’étais ensevelie, c’était à son dernier soupir ; je partis, les oiseaux chantaient. J’ai voulu me reposer sur des roses, mais la rose s’est flétrie.

Je me suis assise sur l’herbe, à l’ombre des bois, sur la mousse argentée de la rosée du ciel, au murmure des ruisseaux, de l’eau qui roulait les pierres, qui verdissait les cailloux qui mouillent l’herbe ; mais l’eau s’est troublée, la fleur s’est flétrie et j’errai longtemps. Et je vous ai trouvées, et nous montons tous au ciel, et moi je cours dans une immensité aussi grande que ma pensée, aussi profonde, sans craindre de me heurter à aucune barrière, de rester attachée à un mur de chair comme un condamné retenu par ses chaînes.

Périsse mon corps maintenant ! Arrière, vile argile qui m’a souillée, qui m’a tant de fois abîmée de ta fange, arrière ! Je suis une âme, je monte au ciel.

5

Oh ! le ciel ! je l’ai rêvé longtemps enfant, en priant la Vierge, en couvrant ses pieds de feuilles arrachées