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Le duc

Et ne penses-tu pas que le sang qui a nourri notre vieux blason ducal ne doive pas sortir de honte et se répandre d’indignation, quand on le salit d’une telle boue ?

Marie

Oh ! oui, mon père !

On entend la trompette.
Le duc

Adieu donc !

Marie

Vous me quittez ? et si vous alliez mourir ! Oh ! restez !

Le duc

Quoi ! j’entendrais de là les cris de ceux qui meurent pour moi, j’entendrais les corps qui tombent, et les fanfares, et la guerre, et la poudre, et je resterais ici, le cœur calme à regarder le carnage, sans y être ! Oh ! Marie ! il faut mourir plutôt.

Marie

Et si j’allais être seule sans vous ! Oh ! adieu, embrassez-moi !

Le duc

Pauvre fille ! mais ne suis-je pas revenu de tous mes combats ?

Marie

Mais celui-là, cette neige, cet hiver, tout cela est si lugubre, si horrible !

Les fanfares redoublent.
Le duc

Écoute ! Entends-tu, Marie, si je revenais vainqueur, si j’avais une couronne et que je la posasse sur ta tête, un sceptre dans tes mains !… Mais non, je m’enivre