Calmez-vous, encore une fois, Monseigneur ; la colère vous trouble et vous fatigue.
Par saint Georges ! laissez-moi. Vous êtes plaisants, vous autres, avec votre calme et votre sang-froid ; on voit bien que vous n’avez pas de cœur sous vos cuirasses. Laissez-moi, morbleu, laissez-moi jeter ici tout ce que j’ai d’amertume et de colère ; laissez bouillonner ma rage, de peur que sa lave ardente ne se répande sur vous et ne vous brûle, messieurs, laissez-moi dire que je hais, que je hais dans l’âme, que cette haine maintenant s’est attachée à moi, qu’elle s’est mêlée à mon sang, à ma vie, que c’est mon bonheur enfin de maudire Louis XI. (À Commines.) Allez le chercher, qu’on me l’amène ici au retour du conseil. (Commines sort.) Mais pourquoi irais-je à ce conseil ? qu’y faire ? disputer avec es guerriers à demi morts et des vieillards endormis ? qu’y faire encore ? ma tête vaut bien les leurs. N’importe ! s’ils ne sont pas de mon avis, je les fais pendre tous.
Voilà trois nuits qu’il ne se couche pas, ce pauvre Duc, il jure, tempête, et pleure de rage. Ah ! doux Jésus ! que les jeunes gens sont fous, ils préfèrent la colère au repos, une armure à un lit, le travail au sommeil et l’amour à la bouteille.
Scène II
Laissez messire le Roi, monseigneur le Duc va venir avant peu, c’est moi qui m’en charge.