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Qu’on ferme toutes les portes du château, qu’on bouche les issues, qu’on double les gardes.

Viseu

Vous l’avez déjà ordonné.

Charles

Ah ! c’est vrai… J’en ai peut-être déjà trop dit, car si les circonstances changeaient… La Fortune, aussi elle, peut changer… Mais non, je la tiens sous mon genou, et lui, je l’emprisonne, je l’enchaîne, et puis je l’insulte ; et je ris maintenant, car c’est moi qui triomphe.

Viseu

Que faire, monsieur le Duc ?

Charles

Que faire ?… C’est vrai, il faut agir. Je n’ose encore me décider, car je sens que mes résolutions seront terribles et qu’il y aura du sang dans mes sentences, que faire ?… Eh quoi ! j’hésite ? Un roi dans mes mains ! moi, Charles de Bourgogne ! C’est à réveiller de bonheur l’ombre de mes aïeux couchés dans leur linceul, et j’hésite et je tremble presque devant un nom de roi ? Mais il est mon prisonnier, c’est un traître, c’est maintenant mon esclave… et moi… Eh bien, j’ordonne qu’on le pende à mon gibet… qu’en dis-tu, Commines ?

Commines

Comme vous voudrez.

Le Duc

Qu’on le décapite, et qu’on le jette dans la fosse commune avec les chiens et les juifs… car j’ai son trône entre mes mains, j’en brise les planches et j’en Fais son cercueil, et puis (vite) écrire à monsieur de