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ture, et le clair de lune, qui venait frapper sur les canons, semblait lui faire deux étoiles à ses côtés. À l’aide d’une échelle de corde ils escaladèrent le grand mur des jardins du doge. Déjà l’homme au masque noir s’apprêtait à dresser son échelle pour monter sur la terrasse, quand une balle vint siffler à ses oreilles et renverser un de ses compagnons… Puis il y eut du sang, des cadavres, des cris, et Vanina fut enlevée.

Quand ils furent loin en mer, quand ils ne virent plus les phares de Gênes, l’homme ôta son masque, et la jeune fille évanouie reprit ses sens.

Elle pleura son père, ses esclaves, ses jardins où le soir elle aimait à contempler la mer, à entendre les vagues qui venaient mourir sur le rivage ; elle pleura son beau palais, ses bains de porphyre et ses cygnes du Gange.

Pourtant chaque jour apportait moins d’ennuis, de regrets et de larmes, et un peu plus d’amour pour Ornano.

Au bout d’un mois, le corsaire tint sa promesse ; avec quatre frégates il vint à l’improviste attaquer Gênes, Vanina était avec lui. L’entrée du port était fermée et ses bassins défendus ; deux bordées de canon suffirent et la palissade sauta.

Alors il entra, mais il ne s’aperçut pas que derrière lui les trois autres navires n’avaient pu passer et qu’il se trouvait emprisonné dans un port qu’il avait forcé ; alors, écumant de rage, il jura sur sa tête qu’il tuerait de sa propre main quiconque parlerait de se rendre.

Une minute auparavant un homme s’était jeté à la mer sur les ordres de Vanina.

— Que lui as-tu ordonné ? demanda-t-il à Vanina.

— Oh ! excuse-moi, pardon, Ornano ; mais je t’aimais et je lui ai ordonné d’aller demander grâce à mon père.

— Une carabine ! s’écria aussitôt San Pietro fu-