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INTRODUCTION.
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désigne en général celui qui agit, compétiteur, agriculteur, etc. ; la terminaison ion indique l’action de faire, suspension, sédition, etc. ; la terminaison marque l’état où se trouve celui qui agit. L’inaction, par exemple, est l’acte de ne rien faire, de rester inactif, tandis que l’oisiveté est l’état de celui qui ne fait rien. Ces distinctions une fois établies, déterminent sur le champ, du moins sous certains rapports, le sens propre des mots.[1]

La comparaison de notre langue avec le latin dont elle dérive, et avec les langues vivantes, sur-tout avec celles qui, nées de la même source, ont suivi à peu près la même marche dans leurs progrès, peut encore ne pas être inutile. Comme il arrive souvent que de deux mots synonymes, le premier est emprunté à une langue, le second à une autre, il importe de connaître leur sens dans la langue originaire, afin de savoir quelle est leur acception propre dans la nôtre : je prendrai pour exemple les synonymes bannir, exiler. Le premier vient de l’ancien mot allemand bann, qui signifia d’abord ce qui gênait la liberté d’un homme, désigna dans la suite l’acte de l’autorité judiciaire par lequel un homme était privé de sa liberté, exclu d’une communauté civile ou religieuse, et s’appliqua enfin à cette exclusion même qui était toujours le résultat d’une condamnation juridique[2]. Exiler vient du latin exsilium (exsilire, qui veut dire simplement sauter dehors). Exsilium, dit Cicéron, non supplicium est, sed perfugium portusque supplicii : « L’exil n’est pas une condamnation, mais un refuge, un port contre elle. » (Orat. pro Cœcina, 100. 34.) À la vérité, les Latins connaissaient aussi l’exil judiciaire ; mais, dans son sens primitif, l’exilé était simplement celui qui se trouvait contraint, par un motif quelconque, de vivre loin de sa patrie ; tel est aussi le sens dans lequel nous avons emprunté ce mot du latin, et c’est sur cette différence d’origine que repose la distinction établie par l’abbé Roubaud entre exiler et bannir. « Le bannissement, dit-il, est la peine infamante d’un délit jugé par les tribunaux ; l’exil est une disgrâce encourue sans déshonneur, pour avoir déplu : l’exil vous

  1. Je ne fais ici qu’indiquer l’utilité de ce travail, dont on trouvera plus loin le développement.
  2. Voyez le Dictionnaire d’Adelung.