Page:Guettée - La Papauté moderne condamnée par le pape Grégoire le Grand.djvu/30

Cette page a été validée par deux contributeurs.

je suis le serviteur, par la grâce de Dieu. Mais aucun de mes prédécesseurs n’a voulu se servir de ce mot profane ; parce que, en effet, si un patriarche est appelé Universel, on ôte aux autres le titre de patriarche. Loin, bien loin de toute âme chrétienne la volonté d’usurper quoi que ce soit qui puisse, tant soit peu, diminuer l’honneur de ses frères ! Lorsque nous, nous refusons un honneur qui nous a été offert, réfléchissez combien il est ignominieux de le voir usurper violemment par un autre. »

Les ultramontains se sont bien gardés d’attirer l’attention sur ce passage, où saint Grégoire se considère comme un patriarche égal aux autres patriarches ; dans lequel il dit clairement que si un des patriarches se prétend universel, les autres, par là même, ne sont plus patriarches. Cette doctrine s’accorde fort bien avec celle de la primauté accordée au patriarche de Rome, à cause de saint Pierre et en souvenir du martyre que ce premier des apôtres souffrit à Rome ; mais peut-elle s’accorder avec une souveraineté UNIVERSELLE venant de droit divin aux évêques de Rome, par saint Pierre, leur prétendu prédécesseur ? Non évidemment. Saint Grégoire continue à exposer une doctrine opposée au système papal actuel.

« C’est pourquoi, dit-il, que Votre Sainteté ne donne à personne, dans ses lettres, le titre d’Universel, afin de ne pas se priver de ce qui lui est dû, en offrant à un autre un honneur qu’elle ne lui doit pas. En cela ne concevez aucune crainte des Sérénissimes Seigneurs ; car l’empereur craint le Dieu Tout-Puissant, et il ne consent point à ce que l’on viole les commandements évangéliques et les très saints canons. Pour moi, quoique je sois séparé de vous par de longs espaces de terre et de mer, je vous suis cependant étroitement uni de cœur. J’ai confiance que tels sont aussi les sentiments de Votre Béatitude à mon égard ; dès que vous m’aimez comme je vous aime, l’espace ne nous sépare plus. Grâces donc à ce grain de sénevé, à cette graine qui en apparence était petite et méprisable et qui, en étendant de toutes parts ses rameaux sor-