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sous les balles populaires. La garde nationale n’est pas une armée ; organisés par quartier, sinon par rues, les bataillons, les compagnies fédérées dont tous les membres étaient plus ou moins voisins et amis, sinon parents, constituaient comme autant de familles. Or, lorsque le 24 mai les survivants des barricades d’Auteuil, de Passy, des Champs-Élysées, etc., se portèrent à la Roquette pour en extraire MM. Bonjean, Darboy et autres, ils avaient vu depuis le lundi 22 — c’est le Times qui en fait foi — massacrer tous ceux des leurs qui étaient tombés aux mains des troupes. Le sang d’un fils, d’un frère, d’un camarade d’atelier dont le cadavre troué de balles était encore devant leurs yeux, les aveuglait ; selon une expression populaire, mais caractéristique, ils voyaient rouge, et ce qui, pour des esprits rassis, à distance, apparaît et ne peut apparaître que comme une tache de sang, se présentait à eux comme une représaille, je ne dirai pas légitime, mais naturelle.

De là ce fait — rapporté par tous les historiens de cette époque et qu’on ne saurait s’expliquer autrement — que c’était parmi les fédérés à qui ferait partie du peloton d’exécution ! Tous avaient le meurtre d’un des leurs à venger.

À propos de ces six exécutions de la Roquette, qui devaient être suivies, le 25 et le 26, de soixante-deux autres, le Figaro et autres agents provocateurs de fusillades sommaires n’ont pas craint d’évoquer les massacres de septembre 1793. Mais pour qui est capable d’un jugement droit, quelle différence entre ces deux ordres de faits, non seulement au point de vue du nombre des victimes, mais encore et surtout au point de vue des événements qui les ont provoqués ! Lors de la révolution bourgeoise de la fin du dernier siècle, l’ennemi pouvait menacer, mais n’avait pas frappé. Aucune des sauvages mesures de Brunswick n’avait pu être mise à exécution, et c’était, par suite, de sang-froid,