Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/7

Cette page n’a pas encore été corrigée
17
LA DESCENTE AUX ENFERS

Et Jésus, traversant la solitude triste,
Plonge, toujours plus bas, plus loin du ciel quitté,
À travers la noirceur et la lividité.
Et l’abîme s’enfonce et tord dans ses spirales
Des tourbillons blafards de cendres sépulcrales.
L’air devient plus pesant et le gouffre plus creux.
Immensité muette, infini ténébreux
Où la Nuit, souveraine et sans limite, ignore
Qu’au-dessus d’elle un monde a des noms pour l’aurore :
Fond d’une mer lugubre où mourrait le soleil
Si jamais jusque-là roulait son char vermeil ;
Profondeur sans espoir que ne perce plus même
Cette morne lueur si lointaine et si blême
Qu’en son cours souterrain laisse parfois, dit-on,
Aux fentes des enfers filtrer le Phlégeton.

Où va l’éclair, il va. La trace éblouissante
Du Voyageur divin survit à sa descente,
Et l’aube semble naître où le Christ a passé.
Il va. L’infranchissable est déjà traversé.
Plus rapide et plus droit que la flèche à la cible,
Où le rêve agonise au seuil de l’indicible,
Il va.

Mais brusquement devant Lui, tout au fond,
Au point où l’insondable en vertige se fond,
Ceinte d’un fossé noir où se fige un feu sombre,
Une muraille étend sa masse et ferme l’ombre.