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Salut ! Mère implacable à ton vil rejeton,
Toi qui m’abandonnas ainsi qu’un avorton
Qu’on dépose en fuyant à la porte d’un temple,
Ma mère ! aucun Æon n’était-il assez ample
Pour accueillir mon rêve et nourrir mon désir ?

O matin merveilleux où je vis s’éclaircir
L’horizon désolé de la prison natale !
J’étais seule, à l’écart. La porte orientale
S’ouvrit et je vis luire en un firmament d’or,
O Vertu, ta splendeur ! et ta gloire, ô Trésor !
Et, jaillissant du sein du Père, la Lumière
Irradier, plus pure, à sa source première.
Et moi, dans ma ferveur, mon ivresse et ma foi,
Pour t’adorer, Lumière, et m’envoler vers Toi,
Au Lieu de mes destins à jamais infidèle,
Lumière ! j’ai tenté de fuir à tire-d’aile.
Mais désertant ma tâche et bravant la fureur
Des Arkhons, j’ai sombré dans le gouffre d’erreur.
Et tous ont dit entre eux : — Si Sophia soulève
Le grand Voile et s’évade en la beauté d’un rêve,
Son mépris pèsera sur nos aveugles yeux.
Et nous serons pareils aux hommes envieux
Connaissant la Lumière et la voyant s’éteindre.
Que Sophia s’égare et pleure sans l’atteindre,
Car le rêve est mauvais et le Voile est pesant. —

Comme tombe un ramier, que blesse un trait perçant,
J’ai connu la descente en la nuit solitaire