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Et quand le cirque au loin se hérissait de pieux
Acérés et de croix et de bûchers en flammes,
L’extase et le désir charmaient vos cœurs joyeux
Et vos chants saluaient l’espoir des morts infâmes.

Et sur les hauts gibets, convulsés et râlants,
Pasteurs ! les poings cloués, vous bénissiez encore,
Et vous jetiez sans peur, ô Vierges aux seins blancs,
Vos saintes nudités au feu qui les dévore.

Candides Légions, ô Martyrs inconnus,
Plus forts que l’épouvante et les affres charnelles,
Quels rêves innocents, quels songes ingénus
De délice et de paix flottaient dans vos prunelles ?

Vers quels cieux révélés preniez-vous votre essor,
Loin du monde mauvais, de la nuit et des fanges ?
Dans quel miraculeux palais d’azur et d’or,
Élus ensanglantés, vous attendaient les Anges ?

Jésus, sanglant aussi, vous accueille, ô Héros
Dont les corps profanés, au travers de l’arène,
Méconnaissables, noirs, traînés avec des crocs,
Sombrent dans la Cloaque abjecte et souterraine !

Vivaces floraisons que la Foi fit sortir
Du berceau vacillant de la naissante Église !
Fleurs de pourpre germant aux pieds du Dieu-Martyr,
Dans les sillons chrétiens que le sang fertilise !