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D’un rayon fugitif et lumineux charmait
Les lacs bleus endormis à l’ombre des feuillées !
Candide étonnement des forces éveillées,
Nuptiales ardeurs, innocentes amours,
Comme vous palpitiez dans les cœurs sans détours,
Alors qu’insoucieux des désirs et des rêves,
Fleurissait le baiser des primitives Èves !
Quel était le plus doux, ô cèdres, ô palmiers,
Du soupir de la femme ou du chant des ramiers,
Alors que le frisson des eaux et des ramures,
En un chœur indécis unissant leurs murmures,
Répondait vaguement, sous les cieux infinis,
A la voix des berceaux, sœur de la voix des nids ?
O souvenir sacré des pures origines,
Par l’absence des Dieux aubes vraiment divines,
Du monde à peine éclos ineffables concerts,
Que les cieux étaient beaux quand ils étaient déserts !

O jour désespéré, jour où nous les peuplâmes,
Nous qui, du firmament divinisant les flammes,
Vîmes un trait vengeur dans un sillon d’éclair ;
Nous dont l’œil dénombra dans les vapeurs de l’air
D’inconscients témoins de nos destins rapides,
Et dans les noirs rochers, les bois, les eaux limpides,
Vit des êtres divins fuir et multiplier ;
Nous qui, rongés de peur et prompts à supplier,
Sur un barbare autel, rouge de sacrifices,
Dressant nos passions, nos terreurs et nos vices,
A la face du monde, enfin caduc et vieux,