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LES SIÈCLES MORTS

Et la terre joyeuse, en exultant, chantait
Le matin symbolique où Christ ressuscitait.
Céleste embrasement ! Allégresse ! Ô lumières !
Ô retour printanier des fêtes coutumières !
Pour la dernière fois je vous salue ! Adieu !
Jours sacrés par la mort et le réveil d’un Dieu !

Maintenant sourd, aveugle, épouvante de l’homme,
Seul au milieu de tous, je suis celui qu’on nomme
Le cadavre vivant que le Styx abreuva.
L’hôte, à mon seuil tombé, se relève et s’en va,
Et l’aïeul, dont le doigt sénile et tremblant montre
Celui qui de la mort fit la sombre rencontre,
Du sentier que je foule écarte son enfant.
Et je suis le maudit que la terreur défend
Et que ronge à jamais la lèpre de l’Abîme.

Maintenant le silence est pour moi légitime,
Frères ! Gloire au Seigneur en nos adversités !
Frères, ne parlez plus ! Lisez et méditez
Cet écrit du sépulcre où la cendre s’étale.
Allez ! Disparaissez de mon ombre fatale,
Et passez gravement et sans prier pour lui
Devant le grand vieillard muet, devant celui
Qui n’est plus dans ton antre, ô nuit visionnaire !
Que le spectre attardé du prêtre Apollinaire.