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s yeux,
Ne les rendrait plus clairs que les astres des cieux !
Jamais les frais onguents, les gommes, la céruse,
Les fards de Sarepta, de l’Inde ou de Péluse
Sur mon visage terne, aux lugubres pâleurs,
Ne marieraient l’éclat de leurs vives couleurs !
Jamais la poudre d’or, sur mes cheveux semée,
Ne les teindrait des feux d’une aurore embaumée !
Blafarde et sans parure, en des festins grossiers,
J’engloutirais sans faim la chair des carnassiers !
Quels vents m’apporteraient, mêlés aux cris des bêtes,
Les accords de la lyre et les chants des poètes
Et ressusciteraient, dans le muet désert,
Des mots grecs ou latins l’ineffable concert ?
D’un éternel adieu je vous saluerais, places,
Forums, chères villas, palais, jardins, terrasses
Où la nuit chaude mêle en effluves légers
Les parfums de la mer à ceux des orangers !
Et toi, Cirque, tombeau des hommes, où la foule
Aspire en rugissant l’odeur du sang qui coule,
Cirque où le peuple entier, ébloui, transporté,
Indifférent aux jeux, acclame ma beauté,
Cirque où, grave et penchée au bord de la tribune,
Je supplie en secret Hermès et la Fortune
Lorsque, précipitant leur essor fabuleux,
Les chars fougueux des Verts pressent les chars des Bleus !
Va-t’en, Barbare ! Hella te hait et te méprise.
En un rêve abhorré, folle, un instant surprise,
J’oubliai ta naissance et ton sang odieux
Et ma patrie en deuil et ma race et mes Dieux.