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A la face du ciel vengé, vieille Aphrodite,
Par la Croix que j’élève aux lieux où tu tombas,
Par le Dieu que j’annonce, à jamais sois maudite !
Roule et sombre à jamais dans les gouffres d’en bas !

Que, lamentable et veuf de ses apothéoses,
Par le feu, par le temps et l’oubli dévoré,
Ton simulacre, épars sur le fumier des roses,
Jonche de ses éclats le rivage abhorré !

Car, par moi, le vieillard qui porte en ses mains rudes
Le remède, Paphos, l’île aux jardins déserts,
Verra s’épanouir la fleur des solitudes
Et la Croix du salut rayonner dans les airs.

Anathème ! Anathème ! Allez ! frappez ! c’est l’heure !
Excitez les brandons, mes fils ! semez le sel !
Que tout brûle, se rompe et s’engloutisse et meure
Aux pieds du Dieu jaloux et du Christ éternel ! —

Comme des chiens hurlants et brisant leurs attaches,
Les moines, à la voix qui les pressait ainsi,
S’élançaient. Au soleil vibrait l’éclair des haches,
La flamme jaillissait du portique obscurci ;

Et quand tout eut croulé, fûts, paroi consumée,
Bronzes et chapiteaux, dans le brasier fatal,
De sanglantes lueurs rose et comme animée,
La Déesse apparut sur son haut piédestal.