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Celui qui, descendant de la noire galère,
La crosse épaisse au poing, apôtre et conquérant,
S’avance, ivre d’horreur, de haine et de colère,
Hélas ! s’est arrêté sur le seuil odorant.

Légat de Théodose, évêque de la ville,
Il vient purifier par le fer et le feu
Le diocèse obscène et la province vile
Où dans sa gloire abjecte Érôs est toujours Dieu.

Un cortège fiévreux de moines, d’exorcistes,
Hâves, par la ferveur et le jeûne amaigris,
Hurlant comme des loups sur de récentes pistes,
Suit les pas du vieillard vers les bosquets fleuris,

Vers les bosquets fleuris où, sous les branches souples,
Couronnés de jasmins et de pampres tressés,
Les beaux amants passaient et s’égaraient par couples,
Pâles, les yeux ardents et les bras enlacés.

Et du temple béant franchissant le portique,
L’évêque a vu blanchir sur l’autel radieux,
Dans l’éternel et pur éclat du marbre antique,
L’orgueil inviolé des humains et des Dieux :

L’Aphrodite fatale, éblouissante et nue,
Mère des longs désirs et des forfaits sanglants,
Qui verse au cœur de l’homme une ivresse inconnue
Et recèle la vie et la mort dans ses flancs.