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Voici le Nil sacré qui bondit en naissant
Et déborde et s’étale et dans un flot de sang
Sur le rivage épais berce les crocodiles ;
Et les canaux brillants et les lacs semés d’îles,
Et les marais, voilés de roseaux et d’iris,
D’où s’élance le vol rose et blanc des ibis ;
Et, sous les frais dattiers, les troupeaux de gazelles
Dont la course est muette et dont l’ombre a des ailes.

Et par delà l’Égypte et les sables déserts
Montait la vision du mobile univers,
Avec ses bleus sommets, ses vallons, ses campagnes,
Ses torrents suspendus aux flancs de ses montagnes,
Ses pôles, de frimas et de nuit couronnés,
Ses volcans, chevelus de flamboiements ignés,
Ses étés, ses hivers, ses pics et ses abîmes.

Une aurore immortelle illuminait les cimes.
Le ciel serein flambait et les astres rivaux,
Pâles, fuyaient devant le char aux blancs chevaux.
L’Orient resplendit comme un temple qui s’ouvre ;
Le Midi fume et brûle et l’Occident se couvre
D’une armure d’airain qu’étoilent des clous d’or.
La comète s’embrase et heurte le décor
Du Zodiaque en feu qui roule les spirales
De ses monstres tordus dans des splendeurs astrales.
Tout s’allume, rayonne et palpite à son tour ;
Océan, terre, ciel, sont des gouffres d’amour.
Du zénith au nadir, de l’aube au crépuscule