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                                                  Substance, force, flamme,
Je suis le corps géant qui se divise et l’âme
Par qui s’anime et vit l’abîme universel.
Père, générateur, destructeur éternel,
Comme un potier divin, entre mes mains fécondes
Avec les globes morts je pétris d’autres mondes ;
Pour un soleil éteint, j’en allume un plus beau ;
Je dévore, engloutis, mais je fais du tombeau
Ressusciter la cendre et rejaillir les races,
Ainsi qu’aux prés nouveaux pointent les herbes grasses.
C’est dans ma profondeur que la chair se flétrit
Et que, purifié, renaît et croît l’Esprit ;
Car, origine et fin, je suis le centre et l’orbe
Du vivant univers qui roule, foule, absorbe
Hommes, Dieux, éléments, nature, éternité !

Pleurez, chantez ma mort ! Qu’importe ? Ayant été,
Je serai. L’Océan de ses houles sauvages,
Minant les caps rocheux, balaiera les rivages ;
Au penchant des coteaux, dans la mousse et les fleurs
Les sources couleront et verseront leurs pleurs,
Et les hautes forêts salueront dans l’espace
Le zéphyr qui s’attarde ou l’aquilon qui passe ;
Et vous croirez m’entendre et me voir à la fois
Bruire avec les eaux et vivre avec les bois.
O Terre ! aussi longtemps que les ombres secrètes
De mystère et d’horreur peupleront tes retraites,
Tant que l’inépuisable et douteux avenir