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LES SIÈCLES MORTS

Étoilaient vaguement l’obscurité maligne,
Tels qu’en un ciel brumeux des astres presque éteints.
Fleur du monde naissant et des sacrés matins,
Sous le voile embaumé de ses cheveux d’or, Eve,
Auprès du grave époux réveillant l’heure brève
Et les baisers flétris et le fatal amour,
Maternelle et joyeuse, étreignait tour à tour
Abel, le fils sanglant, et l’enfant fratricide.
Et derrière le couple ancestral, qui préside
Au long dénombrement des peuples, s’avançaient
Les aïeux oubliés des siècles qui passaient,
Patriarches, Anciens des jours. Vieillards de Grèce,
Et Moïse et Solon et ceux dont la sagesse
Dans le sol idéal d’un avenir meilleur
Planta l’arbre immortel dont Jésus fut la fleur :
Platon, songeur ailé planant au ciel attique,
Et Zenon qui tendit vers la vertu stoïque
L’austère et mâle effort d’un cœur jamais dompté,
Tous les pasteurs de l’âme et de l’humanité
Que le monde inquiet entend, vénère et nomme
D’Athènes à Babel et de Memphis à Rome.

Et les rudes Nabis d’Israël, chargés d’ans,
De leurs pesantes mains couvraient leurs yeux ardents,
Résignés et pensifs ainsi que des pilotes
Qui, restés sur la mer, regarderaient les flottes
Entrer à pleine voile au port qu’ils ont montré.
Et j’entendis vibrer comme un chœur inspiré
De harpes, répondant au chant léger des lyres,