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Impuissants et perdus dans un désert sans bornes.
Vous êtes inactifs comme des chiens repus,
Injustes, soupçonneux, lâches et corrompus
Ainsi que des tyrans redoutant leurs esclaves.
L’oisiveté vous ronge, ô Dieux ! Quelles entraves
Met le Destin jaloux à vos inertes mains ?
Vos rêves accomplis, vos travaux surhumains,
Où sont-ils P Je vois l’ombre et n’y vois point d’étoiles.
Alors d’un bras fougueux déchirant tous les voiles,
Écrasant sous mes pieds les trônes familiers,
De l’obscur Olympos j’ébranle les piliers.
Je prends la foudre à Zeus et je commence à faire
Flotter le globe heureux dans la pure atmosphère.
La bienfaisante pluie, hommes, est ma sueur ;
L’orage est ma parole, et la brusque lueur
De l’éclair le regard de ma prunelle errante.
Je réveille le feu de la forge expirante ;
Le marteau d’Hèphaistos se balance à mon poing,
Retombe et sur l’enclume étincelante joint
Les éléments de l’ombre à ceux de la lumière.
C’est moi qui viens ouvrir, à l’heure coutumière,
Les portes de l’aurore aux chevaux du Soleil
Et dans l’azur conquis guide son char vermeil.
Et, lorsque, ayant vêtu ta robe de mystère,
Tu berces dans ses plis le rêve de la Terre,
O Nuit ! le grand semeur des cieux illimités,
Semant les astres d’or dans tes sillons lactés,
O Nuit, c’est toujours moi !