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Or, abaissant soudain sa farouche paupière,
Voici que le Stylite a vu dans la poussière
Des crosses d’or reluire et mêler leurs éclairs
Aux fulgurations des croix épiscopales.
Et sa voix descendit, comme dans les rafales
Un bref croassement tombé du haut des airs :

— Le pauvre dit : Je n’ai ni le millet ni l’orge.
Le pauvre a faim. Malheur ! Et le prêtre se gorge,
Et le pontife heureux enrichit son bâton
De joyaux dérobés au trésor de l’Eglise.
Avec le gouverneur l’évêque rivalise
Pour tondre de plus près la laine du mouton.

Chacun, pasteur, diacre, acolyte, abbé, moine,
Dans l’univers chrétien taille son patrimoine.
Tout est bon, le vallon, la plaine et le coteau.
Le coffre de la dîme est si plein qu’il éclate ;
Malheur ! Moins ardemment les soldats de Pilate
Se ruèrent jadis sur le sacré Manteau !

Du marécage humain fuyant la fange immonde,
Seigneur ! j’avais fermé l’oreille aux bruits du monde
Et mes yeux et mon âme à son iniquité.
Quel crime ai-je commis pour rouvrir ma prunelle,
Seigneur ! en ce temps même où l’Épouse éternelle
Prostitue à Satan sa gloire et sa beauté ?