Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/162

Cette page n’a pas encore été corrigée


Les peuples angoisseux, aux jours des grands désastres,
Levant leurs yeux en pleurs vers le voisin des astres,
Jusqu’à lui tour à tour hurlaient leur désespoir.
Et les Princes montaient et les Impératrices
Gravissaient le sentier des crêtes Télanisses ;
Et le vieillard rêvait sans entendre et sans voir.

Le monde est à ses pieds comme une plaine rase
Où le cèdre royal et l’herbe qu’on écrase,
Le pic et le ravin sont d’égale hauteur.
La terre peut mourir ou le printemps renaître :
Dans la création il ne voit plus paraître
Que le mystérieux et divin Créateur.

Que midi flambe droit sur le pilier sans ombre
Ou que le soir tombant l’allonge au sable sombre ;
Que, refoulant la nuit, l’aube émerge au ciel bleu :
Il ne sait rien, médite et songe que les heures,
Pleines d’anxiété, de péchés et de leurres,
Ne sont que gouttes d’eau dans le gouffre de Dieu.

Mais ce jour-là, parmi les foules plus contrites,
Des Evoques d’Egypte et des Archimandrites
Vers l’immuable ascète avaient en vain crié ;
Car pour l’Église en deuil la mer était mauvaise
Et la Nef, ballottée aux tempêtes d’Éphèse,
Livrait à tous les vents son flanc avarié.