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Et votre ombre l’accueille, ô palmiers de Syrie !
L’eau du ruisseau frissonne en son lit raviné
Et les fleurs qu’elle aimait embaument la prairie.

Là, parmi les jardins et les bois de Daphné,
Antioche étincelle et, toute blanche, érige
Sa royale splendeur dans l’air illuminé.

Maintenant le poison a versé son vertige ;
Les Dieux sont triomphants et l’Amour a vaincu,
Et la rose impudique a fleuri sur sa tige.

Nymphodora ! la paix de ton cœur a vécu.
Chrétienne ou renégate, impure ou sainte, ô femme !
Le remords dans ton sein plante son glaive aigu.

La grande inquiétude a germé dans ton âme,
Et la beauté des jours est morte désormais.
L’oubli n’a plus pour toi d’assez puissant dictame.

Plus seule qu’au désert où tu te consumais,
Tu traîneras en vain les restes de ta vie
Sans joie et sans espoir et blessée à jamais.

Car celle qui par Christ fut un seul jour ravie
Saigne d’un coup mortel que rien ne peut guérir
Et porte un double faix sur son âme asservie :

La tristesse de vivre et la peur de mourir.