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LES SIÈCLES MORTS

Déchirement soudain de l’ombre expiatoire !
Je vis tomber le trône et pâlir le bûcher
Et sur les noirs débris Christ grandir et marcher.
Du bras miraculeux qui domptait les tempêtes,
Sans entendre et sans voir, Jésus courbait les têtes,
Et dans l’immense paix du Tartare ébloui
Passait.

Des Anges blancs volaient autour de Lui ;
Des Anges, messagers des vengeances célestes,
Du feu dévorateur noyaient les derniers restes,
Et, rompant les liens, brisant les fers, hâtant
La brusque évasion vers le jour éclatant,
Plongeant du haut du ciel au lac des flammes souples.
Y chassaient les démons, les enchaînaient par couples
Et, furieux, rivaient de leurs poings forcenés.
Aux gorges des bourreaux les carcans des damnés,
Tandis que plus farouche et plus rapide encore,
Dans le vertigineux sillon d’un météore,
Mikhaël, franchissant l’espace, se ruait
Et d’un seul coup de lance au mur d’airain clouait
Avec le grand Vaincu qui se tord et halète,
De sa fille, la Mort, le vacillant squelette.

Maintenant, ô tombeaux, ô charniers, ô cités
D’amertume, ô Tartare, ô gouffres, exultez !
Sérénité des cieux divins, salut ! Ruisselle
Jusqu’au fond de l’enfer, Lumière universelle !