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LA DESCENTE AUX ENFERS

Ô pieuse rosée ! ô pleurs du saint carême
Que, dans les yeux ravis, séchait la nuit suprême
Où, dans sa gloire unique et sa divinité,
L’univers voit surgir Jésus ressuscité ;
Ô pleurs, amers témoins de l’angoisse secrète,
Comme entre des brins d’herbe une source muette,
Vous ruisseliez encor, dans l’ombre, entre mes cils !
Et je songeais, Seigneur ! aux éternels exils,
Aux morts que l’enfer garde et ne devra plus rendre,
Aux longs cris de damnés que l’homme croit entendre
Sortir des gouffres noirs et rouler dans les nuits.
Et je voyais les grils de fer rouge où sont cuits
Ceux qui, les yeux fermés aux lumières nouvelles,
Ont erré loin des cieux, Jésus ! que tu révèles,
Et ces peuples maudits, qui, fils des jours lointains,
Dans l’ignorance antique ont clos leurs courts destins,
Et ceux qui, saluant l’espoir de ta venue,
Sont nés avant les temps et ne l’ont point connue,
Et, courbés sous le joug, Seigneur ! ayant marché
Dans la faute fatale et le premier péché,
Ont expié sans fin le crime héréditaire.
Et mon rêve pleurait sur l’homme et sur la terre,
Sur toute chair damnée et tout vivant puni,
Sur le ciel, offensé par l’enfer infini,
Sur la bonté divine ayant au flanc pour ombre
Le mal irrémissible et l’éternité sombre.

Et voilà que soudain sur mon trouble sommeil
Descendit un Esprit éclatant et pareil