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LES SIÈCLES MORTS


Ton âme fut son temple inébranlable, ô Sage !
D’où, résigné, pensif, à la Nature uni,
Tu voyais fuir les jours et se perdre au passage
Leurs flots tumultueux dans l’abîme infini.

Si les Dieux n’étaient point, que t’importait la vie
Sans les témoins sacrés de ton viril effort ?
Si le ciel accueillait ton âme inassouvie,
Si les Dieux existaient, que t’importait la mort ?

Et par les degrés d’or de la Sagesse auguste.
Vers le Bien, vers le Beau, vers le Devoir prescrit,
Toujours meilleur, plus fort, plus parfait et plus juste,
Ascète impérial, tu montais en esprit.

Ta pensée, éclairant l’humble nuit d’Épictète,
De célestes rayons s’illumine pour nous,
Telle qu’une eau limpide et ruisselant d’un faîte
Où dans un air plus pur naît un soleil plus doux.

Derniers beaux jours du monde où la fange romaine
Vit éclore le lys qu’Hellas avait nourri !
Ô siècle, où sur un sol dévasté l’âme humaine
Comme une fleur suprême a librement fleuri !

Puisque dans sa beauté la Sagesse idéale
Sur le trône avec toi s’est assise un moment,
Marc-Aurèle ! les temps sont clos ; la nuit fatale
Peut du sombre Orient rouler éperdument.