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les séduisit par ses mystérieuses obscurités et leur fit entrevoir le rêve d’une vérité supérieure, née de la fusion de tous les anciens systèmes, exclusivement réservée aux élus qui, émancipés de la matière, ne vivaient plus que de la vie de l’Esprit.

La Grèce propre, la terre vénérable des Dieux, paraissait épargnée par l’invasion du mysticisme oriental ou chrétien. Athènes restait la forteresse du Polythéisme. Les belles fêtes se célébraient toujours ; les cortèges fleuris n’avaient point cessé de fouler la voie sacrée d’Éleusis ; les temples s’enrichissaient encore de pieuses offrandes ; les Dieux, éternisés par l’art, gardaient leur grâce et leur majesté, et tandis que les Sages adoraient en eux l’immortelle beauté des mythes et l’harmonie souveraine de l’univers, les foules continuaient de suspendre à leurs autels des guirlandes joyeuses.

C’est là que jusqu’aux derniers temps persisteront les cultes locaux. Les grottes et les sources ombragées serviront longtemps de retraites aux divinités agrestes ; et quand plus tard les pasteurs surpris par l’orage et les voyageurs égarés balbutieront de dévotes invocations, les noms seuls auront changé. Les Saints et les Saintes s’installeront peu à peu à la place des anciens Daimones, protecteurs de la contrée, accepteront les mêmes hommages et ne seront que les héritiers populaires des Génies des montagnes et des Nymphes des fontaines.

La fluidité même de l’esprit grec et l’immatérialité d’un culte plus esthétique que théologique, plus civique que religieux, défendaient l’antique Hellas contre les nouveautés