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Les épouses au cœur viril, dont la grande âme
Excitait les guerriers dans les anciens combats,
Les bras liés au dos, suivent l’eunuque infâme.

Sombres, l’œil fixe et dur, foulant d’un noble pas
Les bords du Kaïkos aux transparentes ondes,
Elles vont fièrement et se parlant tout bas.

La Ville est déjà proche et, du haut des tours rondes,
Par les blancs escaliers, le peuple, ivre d’espoir,
Se rue en frémissant vers les captives blondes.

Mais elles, sous l’insulte ou le fouet, sans rien voir,
Ni le bleu firmament ni la douce lumière,
Songent que l’ombre est vaste et le ciel toujours noir.

Ayant nourri l’angoisse atroce et coutumière
Et du rêve funèbre éternisant l’effroi,
Elles ouvrent leur âme à ta splendeur première,

O mémoire des jours ressuscités en toi !
Quand, élu parmi tous chef des tribus Galates,
L’époux, robuste et cher, était beau comme un roi.

Le voici désertant la hutte aux murs de lattes
Et de terre battue où sa main a cloué
Des têtes d’hommes et des mufles écarlates.