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Mais celui que l’extase et la pensée enivrent,
Qui vers l’Inconnaissable a tendu son effort,
Le prisonnier des sens que les rêves délivrent,
Qui par l’inaction pénètre dans la mort,
Celui-là, dégageant son essence éternelle
Des fragiles liens de la forme charnelle,
Bienheureux Brahmavid, de pureté vêtu,
Voit naître en lui le Dieu qu’il perçut en idée
Et, l’âme de science et de joie inondée,
Plonge au sein du Seigneur sans vice et sans vertu.

Là, s’unissent enfin l’esprit et la matière,
Comme un flot sans couleur se mêle à d’autres flots.
Là, comme un feu brillant, la Connaissance entière
Illumine le vide où le monde est enclos.
Là, parfait, sans désirs, sans amour, sans vengeance,
Inerte, intelligent et sans intelligence,
Brahma rêve et réside au cœur de l’Absolu ;
Et le Sage, échappé du filet illusoire,
Vers le monde où Brahma transparaît dans sa gloire
Monte l’échelle d’or du pénitent élu.

Les cinq cents Apsaras aux radieux sourires
L’accueillent, présentant des rameaux ou des fleurs.
Les unes, sans parler, offrant de doux collyres,
Effacent de ses yeux l’amer sillon des pleurs.
D’autres, au vol léger dont l’essaim l’environne,