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Sont des retraits d’un jour pour tes formes sans nombre.
Tu vois, connais, entends et n’es pas entendu,
Et ton essence unique, emplissant la nature,
Pense, agit, se dissout, l’absorbe et la sature
Comme une eau transparente où le sel a fondu.

Brahma, cet univers conçu par ta pensée,
C’est toi, l’insaisissable, étant tout, n’étant rien,
Sans ombre, sans couleur, sans parole énoncée,
Ni subtil, ni solide, infini, sans soutien,
Indra, Prajâpati, les Dieux, les Cinq Grands Etres,
C’est toi ! L’Intelligent qui meus et qui pénètres
Tout ce qui naît, grandit, vole ou rampe : garçon,
Vierge, mâle, animaux, fleuves, arbres, semences,
C’est toi ! Primordial qui finis et commences,
Toi qu’en prononçant Om j’honore avec le son !

L’Univers était vide et Brahma solitaire,
Et la peur le mordait comme un homme égaré,
Quand tu t’offris soudain, fille de son mystère,
Première et belle épouse, à son baiser sacré.
Puis tour à tour génisse aux yeux profonds et chastes,
Jument, chèvre et brebis, tu livras tes flancs vastes
Aux assauts du taureau, du bouc, de l’étalon,
Tandis que, rejetons des divines étreintes,
Les couples primitifs peuplaient les terres saintes.
Et le Sôma broyé coula sous le pilon.