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Sur leurs robes de laine aux éclatants dessins
Serpentent des colliers de perles et d’opales ;
Des liens d’or tressés attachent leurs sandales,
Et le rhythme onduleux de leurs pas ralentis
Fait tinter des anneaux le léger cliquetis.
Elles vont. La tiare, ainsi qu’il sied aux reines,
Ceint leurs timides fronts de clartés souveraines ;
Et, d’émaux incrusté, le pectoral vermeil
Bombe sur leur poitrine et luit comme un soleil.

Fleurs des jardins royaux, tiges des vieux Dynastes,
Elles ont respiré dans les demeures chastes
Le pudique parfum de leur virginité,
Et la seule colombe a connu leur beauté
Quand, aux jours glorieux, leur jeunesse inconnue,
A l’ombre des palmiers, errait tranquille et nue,
Ou lorsque dans les parcs, parmi les verts roseaux,
Leur nudité craintive hésitait près des eaux.
Les unes, dès l’enfance, ont vu dans Babylone
Les temples, revêtus d’émail bleu, vert ou jaune,
Enfoncer dans le ciel leurs toits pyramidaux,
Et dans des chambres d’or, closes d’épais rideaux,
Où chantait sourdement l’hymne inspiré des Mages,
Au milieu des parfums, resplendir les images
De l’auguste Bélit qu’on nomme Mylitta.
D’autres, sous les pins noirs que Kybèle habita,
Ont entendu jadis pleurer la Grande Mère
Et rugir la fureur et l’ivresse éphémère
Des Galles qui hurlaient sur le Berger sanglant.