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Et sépara d’un geste, en deux foules compactes,
Les morts, selon leur foi, leur constance et leurs actes.
Et dans l’immensité la voix de Dieu vagua :
— Je suis celui qui vit, tout, l’Alpha, l’Oméga,
Et le commencement et le terme des choses.
C’est fait. O Peuple saint qui t’assieds et reposes
Dans l’asile éternel, à l’ombre de mon bras,
Je suis la source vive où tu t’enivreras
Et la palme fleurie offerte à ta victoire.
Mais vous, ô réprouvés que l’ombre expiatoire
Dérobe pour jamais à mon fixe regard,
Vous, ouvriers du mal, vous, le fourbe hagard,
L’homicide, le lâche impie et l’incrédule,
Et le fornicateur qu’un vil cortège adule,
L’hérésiarque impur qui de la trahison
Dans l’oreille et le cœur distille le poison,
Vous rongés par la haine, et vous par la débauche,
Tous, mon souffle indigné vous refoule à ma gauche,
Pour la deuxième fois morts et précipités
Dans les brasiers d’en bas et les lacs empestés
Où, sifflant de fureur, la flamme inassouvie
Attend ceux dont le nom manque au Livre de Vie. —

L’ombre fut plus pesante et plus vaste ; et plus rien
N’émut le bloc détruit de l’Univers ancien ;
Et je n’entendis plus dans l’impassible gouffre
Que des chutes de corps parmi des jets de soufre.